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Malawi 33
Sauf erreur, tu as fait de longues études, mais qui n’ont rien à voir avec la biologie. Es-tu autodidacte dans ce domaine?
Patrick Tawil
Mes études n’étaient pas vraiment longues, elles étaient surtout chaotiques pour un certain nombre de raisons personnelles et familiales (demi-joker). Dans l’ensemble, si, elles étaient toujours liées à la biologie. Mais il se trouve qu’en ce qui concerne l’évolution animale, la systématique et la classification, qui n’étaient pratiquement pas abordées dans les cours que j’ai eus, je suis à 99 % autodidacte. J’avais commencé à m’y intéresser et à absorber énormément de données (sans le vouloir) bien avant mes premiers cours.
Malawi 33
Peux-tu nous raconter comment cette passion a commencé ? En quoi consistait-elle ?
Patrick Tawil
Elle a commencé dès l’enfance, j’aimais les animaux comme beaucoup d’enfants, et tout particulièrement les oiseaux. Quand j’ai eu 10 ans, mon père s’est mis à nous ramener un périodique hebdomadaire sur les animaux, et je me suis acheté des bouquins. Le vrai coup de foudre a été à 11 ans, un bouquin sur l’évolution animale écrit par un célèbre paléontologue américain de l’époque (Alfred Romer). De la très bonne vulgarisation, qui m’a donné envie d’en faire moi aussi. C’est pour ça que même si j’aborde des problèmes de classification souvent rébarbatifs, ma plus grande récompense, c’est quand j’ai réussi à passionner mes lecteurs, quel que soit leur niveau de connaissances. Je n’y arrive pas toujours, mais je m’y efforce. Pour moi, la classification est l’outil (approximatif) qui sert à fixer l’évolution animale par des points de repères aussi fidèles que possible (les taxons), mais c’est l’évolution elle-même qui est l’histoire importante. Une histoire passionnante quand on s’y intéresse.
Malawi 33
Qu’est ce qui t’a amené à te consacrer particulièrement aux espèces du lac Malawi ?
Patrick Tawil
En fait, à l’origine, j’aimais les cichlidés nains sud-américains et fluviatiles africains. Je suis venu au Tanganyika par les Julidochromis, et j’étais très rebuté par les mbunas et les Tropheus, que je trouvais mastoc, de couleurs trop peu subtiles et trop agités. J’ai changé d’avis en observant des bacs de mbunas chez Philippe Amouriq, premier commerçant en France à vendre des cichlidés dès les années 70. C’est surtout « mon » Cynotilapia pulpican qui m’a fasciné, c’était le plus insupportablement agité de tous, et pas trop « tueur ».
Malawi 33
Te souviens-tu de ton premier aquarium Malawi ? De quelles espèces était-il composé ?
Patrick Tawil
Mes premiers cichlidés du Malawi ont pris place dans mon bac de l’époque, qui faisait à peine 120 litres. Il y avait un couple d’un Aulonocara du groupe baenschi (probablement un steveni de Tanzanie, tout ça, c’était du « nyassae », à l’époque) et un autre de A. jacobfreibergi d’Otter Point. Le bac était divisé en deux territoires et les deux mâles paradaient constamment, un vrai feu d’artifice. Je suis passé très vite à un bac de 500 l avec des mbunas (dont des poulpicans, évidemment…).
Malawi 33
Actuellement, quelles espèces Malawi maintiens-tu en aquarium ?
Patrick Tawil
Je n’ai qu’un petit bac (moins de 350 l brut) qui leur soit consacré, contenant quelques couples d’espèces peu courantes : Pseudotropheus benetos, Tropheops sp. « olive », Pseudotropheus sp. « elongatus Ruwarwe » Pseudotropheus sp. « patricki », Gephyrochromis lawsi et quelques individus dépareillés.
Malawi 33
As-tu eu l’occasion de plonger au Malawi ? Si oui quel souvenir en gardes-tu? Et plus globalement du voyage ?
Patrick Tawil
Hélas non, je n’ai jamais mis les pieds en Afrique noire. Je suis comme le douanier Rousseau, qui peignait des tableaux exotiques de pays qu’il n’avait jamais visités…
Malawi 33
A la mort annoncée du Chambo et l’augmentation de la démographie autour du lac, penses-tu que nos cichlidés risquent de subir le même sort ?
Patrick Tawil
Une bonne partie, sans doute. Y penser me donne le cafard.
Malawi 33
A ton avis, à quoi ressemblera le lac dans 20 ans ?
Patrick Tawil
A ce que nous avons fait de la Méditerranée, en pire.
Malawi 33
Est-il vrai que tu participes à la rédaction de l’An Cichlidé ? Si oui, peux-tu nous en dire plus sur cette collection ?
Patrick Tawil
J’en ai été le rédacteur (correcteur, et de temps en temps traducteur) de tous les opus sauf le premier, et le principal auteur dans tous. Avant ça, j’avais été longtemps rédacteur de la RFC, et également un auteur très prolifique dès les débuts de l’AFC, j’étais alors le jeunot de l’association.
Malawi 33
On parle souvent de descriptions de poissons, de noms qui changent... pas toujours simple de s’y retrouver... Concrètement, qui décide si l’un ou l’autre a tort ou a raison parmi les différentes descriptions et nominations d’un même poisson ?
Patrick Tawil
Personne ne « décide », la taxinomie n’est pas une science exacte. Plus les faisceaux de présomptions sont concentrés sur une hypothèse de classification, plus il y a de chances qu’elle fasse consensus. C’est le cas dans les groupes animaux étudiés depuis longtemps, où les classifications sont grosso modo stabilisées (mammifères, oiseaux). Mais même dans ces groupes, les remises en question sont fréquentes, quelquefois, elles ne se justifient pas toujours. Souvent, de nouvelles méthodes de travail semblent apporter des bouleversements, avant qu’au final, on s’aperçoive qu’en fait, on finit par tourner en rond et qu’on revient à peu près à des choses établies des décennies auparavant, du moins dans les grandes lignes. Dans le détail, globalement, on tend à affiner toujours un peu plus.
Malawi 33
Voili-voilà, On arrive si tu veux ajouter un truc n’hésite pas
Patrick Tawil
J’ajoute alors que je peux répondre aux questions pendant des heures, mais qu’il ne faut pas lasser son auditoire. :D
Malawi 33
Un grand merci à Patrick qui s'est prêté au jeu !!!! Pour avoir échangé à plusieurs reprises par mail avec lui, il est super !!!!! Malgré la montagne de connaissance qu'il a, il sait rester simple, abordable et aime partage ce qu il sais
